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de prendre la moindre collation en cours de route, avec l'intention de me laisser mourir de faim. Il doit y avoir
moyen de se procurer ici quelque nourriture!
Chapitre XV. LA STADVOGTEI 29
Mille et un jours en prison a Berlin
Tous trois, en souriant tristement, manifestèrent un doute par leur attitude. Ils me regardèrent, haussèrent les
épaules, en me faisant comprendre qu'il était impossible de se procurer quoi que ce soit.
Toutefois, dit l'un d'eux, il me reste un morceau de pain de ce matin, je vous le donnerai et Robinson vous
fera du café.
Pour une fois, je me permis de conclure du particulier au général, et je pensai: heureux pays que ceux dont les
jockies et les courtiers sémites peuvent se montrer si secourables!... Le petit Robinson, ses manches de
chemise retroussées jusqu'aux coudes, tira de sous la table une lampe à alcool, plaça dessus, une petite
casserole de fer-blanc avec de l'eau, et se mit à préparer le café. Nous étions loin du confort des grands hôtels.
Enfin, vers 9.30 heures, je prenais mon premier repas en prison: il consistait en une croûte de pain noir avec
une tasse de café sans lait ni sucre. Mais j'avais faim, et ce premier morceau de pain de guerre me sembla
aussi succulent que la meilleure soupe aux pois au lard salé que j'aie jamais dégustée dans ma bonne province
de Québec. Je n'eus que des paroles de gratitude pour remercier comme il le fallait mes nouveaux
compagnons d'infortune.
Pendant que j'étais à table, dégustant mon frugal repas, mes yeux se promenaient tout autour de la chambre.
C'était bien une cellule de prison: un cachot. Une fenêtre partait du plafond et descendait jusqu'à environ six
pieds du plancher. De l'endroit où je me trouvais assis, je pouvais voir, à travers cette fenêtre, un tout petit
coin du firmament au-dessus du mur intérieur de la prison. De solides barres de fer fermaient cette unique
ouverture par laquelle nous pouvions avoir de l'air et de la lumière. Il y avait, dans cette salle, quatre lits
disposés deux à deux, l'un au-dessus de l'autre, la table sur laquelle je prenais mon repas, et quatre petits
bancs de bois, sans dossiers ni bras d'appui. Les murs étaient blanchis à la chaux. La porte, toute en fer, était
énorme, et il y avait, dans la partie supérieure, une petite ouverture d'environ un pouce de diamètre pour
permettre aux gardes de voir à l'intérieur.
L'inspection de la prison se faisait tous les jours vers dix heures. C'était un sergent-major, celui-là même
auquel j'avais été remis, à mon arrivée, qui s'amenait à chaque étage, se faisait ouvrir la porte de chacune des
cellules par un sous-officier, et promenait un regard scrutateur et hautain sur la cellule et ses occupants.
Personne ne m'avait prévenu qu'une inspection aurait lieu peu de temps après mon arrivée dans la cellule que
l'on m'avait assignée: assis à la table, ayant le dos à demi tourné à la porte, absorbé dans un monde de pensées
diverses, et distrait par la dégustation de mon pain noir, je n'avais pas entendu ouvrir la porte. Je remarquai
que le petit Robinson, s'approchant ou plutôt se glissant près de moi, tirait légèrement ma manche comme
pour m'inviter à me lever. Comprenant enfin que quelque chose se passait derrière moi, je me levai et me
tournai à demi. Le sergent-major, triple boche, Prussien et demi, se tenait sur le seuil de la porte raide et droit
comme un i.
C'était le sergent-major Götte, un nom et un personnage que je n'oublierai jamais. Quand il vit que tout le
monde était debout, il cria d'une voix de stentor: Guten morgen! A mon oreille, cela sonnait plutôt comme
une injure que comme un salut matinal.
Qu'est-ce qu'il dit?, demandai-je à M. Aaron, lorsqu'il fut parti.
Il nous dit: Bonjour, dit M. Aaron.
Mais cet homme, lorsqu'il nous dit: Bonjour, reprit un autre, c'est tout comme s'il nous disait: Allez au
diable!
Chapitre XV. LA STADVOGTEI 30
Mille et un jours en prison a Berlin
Chapitre XVI. LA VIE EN PRISON
La section de la Stadvogtei où j'étais enfermé pouvait donner asile à deux cent cinquante prisonniers,
distribués dans environ 150 cellules, dont quelques-unes enfermaient jusqu'à huit prisonniers. Une grande
partie de ces cellules ne mesuraient que douze à quinze mètres cubes, les prisonniers qui les occupaient étaient
obligés de laisser leur fenêtre ouverte pour se procurer la quantité d'air voulue.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, la prison, dans son ensemble, était triangulaire, et à l'intérieur de chacune des
sections, également triangulaires, se trouvait la cour où les prisonniers avaient accès pendant quelques
heures dans l'après-midi. Toutes les cellules avaient une fenêtre s'ouvrant sur cette cour intérieure. Longeant
chacun des côtés du triangle, se trouvait un corridor dont les fenêtres ouvertes sur l'extérieur étaient opacifiées
de façon à couper le regard. Toutes les fenêtres étaient barrées de fer. L'édifice était à cinq étages dont un
rez-de-chaussée. C'est dans ce rez-de-chaussée que se trouvaient les cellules sombres ou cachots. Il y en
avait quatorze. Les fenêtres de ces cellules étaient munies en dehors, c'est-à-dire du côté de la cour, de
contrevents s'appliquant exactement sur les croisées. On y enfermait les prisonniers, de nationalité anglaise
surtout, qui s'étaient échappés de Ruhleben et avaient eu le malheur d'être repris au cours de leur fuite vers la
Hollande ou la Suisse.
Une entente avait été conclue entre l'Angleterre et l'Allemagne au sujet de la punition à infliger aux
prisonniers civils qui s'échapperaient de leurs camps de détention respectifs. En vertu de cet arrangement, tout
prisonnier repris après son évasion devait être détenu au secret pendant deux semaines.
La Kommandantur de Berlin, c'est-à-dire le capitaine Wolf qui semblait en être le grand manitou, avait pris
sous son bonnet d'interpréter à sa manière cette clause de l'arrangement. Nous vîmes alors arriver dans la cour
une équipe d'ouvriers qui fabriquèrent les dits contrevents. Tous les prisonniers anglais qui s'évadèrent par la
suite furent jetés dans un de ces cachots. Pendant les quatre premiers jours ils étaient tenus dans l'obscurité la
plus complète et nourris au pain et à l'eau. La cinquième journée, on abaissait quelque peu le contrevent, afin
de laisser pénétrer un faible jet de lumière et, en outre du pain, on servait à ces prisonniers les deux soupes
réglementaires, et douteuses, dont les autres étaient gratifiés. Les quatre jours d'éclipse totale et de pain sec
recommençaient, suivis d'une autre journée de lumière et de soupe. Enfin, quatre autres jours d'obscurité
complète terminaient la période totale de quatorze jours. Alors, ces malheureux devenus libres relativement,
c'est-à-dire comme nous, avaient la permission de circuler dans les corridors et les cellules des différents
étages, avec accès à la cour pendant quelques heures de l'après-midi.
La vie de prison est monotone au suprême degré. Une de nos distractions favorites était le départ et l'arrivée
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